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Validité de l’entretien professionnel mené par le nouveau supérieur hiérarchique

Validité de l’entretien professionnel mené par le nouveau supérieur hiérarchique

 

 

 

La réalisation d’un entretien professionnel par le supérieur hiérarchique d’un agent public est un droit pour celui-ci et une obligation pour l’employeur.

Dès lors, l’absence d’organisation d’un tel entretien par l’employeur est fautive (pour un exemple récent : TA LA RÉUNION, 6 février 2025, n° 2200423).

Le compte-rendu d’entretien professionnel (CREP) auquel il donne lieu est alors particulièrement important pour le déroulement de la carrière de l’agent.

Il peut en effet être pris en compte pour moduler le régime indemnitaire, lorsque celui-ci comprend une part variable établie en fonction des résultats individuels ou de la manière de servir de l’agent mais il est aussi essentiel pour figurer sur un tableau d’avancement de grade.

Néanmoins, puisque cet entretien est annuel et destiné à évaluer professionnellement l’agent sur cette année écoulée, un nouveau supérieur hiérarchique peut avoir été nommé avant la tenue de cet entretien.

Dans ces conditions, l’agent est évalué par un supérieur hiérarchique qui n’a pu lui-même l’encadrer.

C’est cette circonstance qui était mise en avant par l’auteur d’un recours très récemment jugé par le Conseil d’État : évalué au titre de l’année 2020 lors d’un entretien qui s’était déroulé le 21 mars 2021, celui-ci avait été réalisé par un supérieur nommé à ces fonctions le 1er janvier 2021.

Selon le requérant le CREP en était nécessairement vicié.

Le Conseil d’État n’a toutefois pas suivi cette argumentation.

Pour les hauts magistrats le supérieur hiérarchique direct s’entend du supérieur hiérarchique direct présent au moment de cet entretien et non nécessairement de celui présent au cours de la période évaluée :

« 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B…, alors attachée principale d’administration de l’Etat affectée au sein d’un bureau du ministère de l’intérieur, a été reçue en entretien professionnel le 22 mars 2021, par sa supérieure hiérarchique directe, récemment nommée cheffe de ce bureau, en vue de son évaluation au titre de l’année 2020. Par un jugement du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme B… tendant à l’annulation du compte rendu de cet entretien professionnel. Par un arrêt du 1er mars 2024, contre lequel Mme B… se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel qu’elle avait formé contre ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l’article 2 du décret du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l’appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l’Etat : « Le fonctionnaire bénéficie chaque année d’un entretien professionnel qui donne lieu à compte rendu. / Cet entretien est conduit par le supérieur hiérarchique direct (…) ». L’article 4 du même décret dispose : « Le compte rendu de l’entretien professionnel est établi et signé par le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire. Il comporte une appréciation générale exprimant la valeur professionnelle de ce dernier. / Il est communiqué au fonctionnaire qui le complète, le cas échéant, de ses observations. / Il est visé par l’autorité hiérarchique qui peut formuler, si elle l’estime utile, ses propres observations (…) ».

3. Il résulte de ces dispositions que l’entretien professionnel est conduit par le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire en fonction à la date de l’entretien. Par suite, en jugeant que la supérieure hiérarchique directe de Mme B… à la date de son entretien professionnel était l’autorité compétente pour conduire cet entretien, sans qu’y fasse obstacle la circonstance que, pour la période évaluée, elle n’était pas encore sa supérieure hiérarchique, la cour n’a pas commis d’erreur de droit. » (CE, 6 mars 2025, n° 493924)

La circonstance que le supérieur hiérarchique évaluateur ne soit pas celui en fonction sur la période évaluée appelle néanmoins une vigilance particulière.

Le juge du fond porte en effet un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation et d’exactitude matérielle des faits quant aux appréciations et mentions portées sur ce CREP.

Dès lors, il importe que le supérieur hiérarchique récemment nommé dispose de l’ensemble des informations nécessaires pour apprécier la valeur professionnelle de l’agent.

En effet, si les mentions portées sur ce CREP ne sont pas exactes ou ne sont soutenues par aucune pièces, l’agent pourra obtenir l’annulation de ce CREP (pour un exemple récent d’annulation : TA MONTREUIL, 14 février 2025, n° 2207657).