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Gare à la méconnaissance de la procédure collégiale en matière d’arrêt des soins

Gare à la méconnaissance de la procédure collégiale en matière d’arrêt des soins

 

 

 

Commentaire sous l’arrêt du Conseil d’État n°482689 du 4 juillet 2025

Un arrêt récent du Conseil d’État apporte des précisions importantes concernant l’indemnisation du préjudice moral des proches d’un patient décédé suite à un arrêt de soins jugé déraisonnables. Cet arrêt souligne l’importance du respect de la procédure collégiale dans de telles circonstances et ouvre la voie à une réparation pour le préjudice moral subi par les proches.

Les faits :

Dans cette affaire, Mme B., résidente d’un EHPAD relavant du CHRU de BREST, a été retrouvée, le matin du 19 août 2017, aréactive dans son lit. Suite à un examen médical faisant suspecter un Accident Vasculaire Cérébrale (AVC) compromettant son pronostic vital, il a été décidé d’une part de ne pas la transférer pour des examens complémentaires ou une possible réanimation et, d’autre part, d’arrêter les traitements qui lui étaient prescrits pour d’autres pathologies.

La résidente est décédée deux jours plus tard.

C’est dans ce contexte que son fils a saisi la justice pour obtenir réparation du préjudice d’affection subi en raison des fautes commises par l’établissement.

Il a également évoqué au stade de l’appel, un préjudice moral.

La procédure :

Le Tribunal administratif de RENNES, saisi en première instance, n’a pas fait droit à cette demande.

Son jugement a été confirmé par la Cour administrative d’appel de NANTES, par un arrêt en date du 23 juin 2023 (n°22NT01694).

Le fils de la résidente décédée s’est pourvu en cassation et son pourvoi a donné lieu à la décision commentée.

La décision du Conseil d’État :

Le Conseil d’État rappelle que la procédure collégiale est définie et encadrée par les articles L. 1110-5, L. 1110-5-1, L. 1111-4 et R. 4127-37-2 du code de la santé publique. A ce titre, elle impose notamment une concertation pluridisciplinaire avec les membres présents de l’équipe de soins, si elle existe, l’avis motivé d’au moins un médecin appelé en qualité de consultant, et la consultation, en dehors de la présence de directives anticipées, de la personne de confiance et à default de la famille ou des proches du patient.

Une telle procédure s’impose en particulier lorsque la limitation ou l’arrêt des thérapeutiques actives sont envisagés pour un patient qui n’est pas en état d’exprimer sa volonté. Elle est « destinée à éclairer (le médecin) sur le respect des conditions légales et médicales d’un arrêt du traitement ».

Un tel arrêt qui doit relever d’une décision motivée du médecin, ne peut intervenir qu’à l’issue de ladite procédure.

La personne de confiance, ou, à défaut, la famille, ou l’un des proches du patient est alors informé de la nature et des motifs de la décision de limitation ou d’arrêt des traitements.

Or, les juges du Palais Royal relèvent qu’en l’espèce, ladite procédure collégiale n’a pas été respectée et ce pour trois principales raisons :

  • Il n’est pas contesté par l’établissement de santé que la décision d’arrêt des traitements litigieuse a été prise en dehors de toute concertation avec les membres présents de l’équipe de soins et d’un avis motivé d’au moins un médecin appelé en qualité de consultant ;
  • Que la personne chargée de la tutelle de la résidente décédée n’a pas été informée et ce en dehors de toute considération tirée de l’urgence ;
  • Que son fils n’a pas été associé à la décision d’arrêt des thérapeutiques alors que sa maman n’avait pas formulé de directives anticipées et qu’aucune personne de confiance n’était désignée.

La haute juridiction retient par conséquent la faute du CHRU du fait de la méconnaissance de la procédure collégiale.

Elle estime que « La méconnaissance de cette procédure et les conditions dans lesquelles le fils de la résidente a par conséquent, appris le décès de sa maman, sans avoir été informé, en temps utile, de son état ni associé au recueil du témoignage de sa volonté, lui ont causé un préjudice moral distinct du préjudice d’affection causé par ce décès ».

Les juges du Palais Royal lui alloue la somme de 5000 euros pour la réparation de ce préjudice, quand bien même, celui-ci a été invoqué pour la première fois en appel.

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Cet arrêt confirme l’importance du respect des droits des patients en fin de vie et de l’information de leurs proches notamment. Il rappelle que toute décision d’arrêt de soins doit être prise dans le respect d’une procédure collégiale rigoureuse et régulière, afin de garantir la dignité du patient et de permettre autant que possible à ses proches, un accompagnement de la fin de vie dans des conditions dignes et plus acceptables.