Par une décision du 22 juillet 2025, n°491997, le Conseil d’État considère, dans une approche rigoureuse, que des travaux de démolition d’un bâtiment existant, bien que réalisés dans l’attente d’une opération de construction immobilière, ne portent pas en eux-mêmes sur la réalisation d’ouvrages, faisant ainsi obstacle à l’application du régime de la garantie décennale des constructeurs.
En l’espèce, l’office public d’habitations à loyer modéré de Lille Métropole Communauté a porté, en 2004, une opération consistant à démolir un bâtiment puis à remettre en état le sol dans l’attente d’une future construction. Elle a, pour ce faire, confié à un opérateur économique, un marché de démolition qui a fait l’objet d’une réception sans réserve en 2006.
En 2008, lors des travaux de construction d’un ouvrage sur ce terrain, le titulaire du lot « gros œuvre » du marché de travaux a constaté des défauts d’altimétrie ainsi que la présence persistante d’anciennes fondations et de caves dans le remblaiement justifiant un arrêt des travaux.
À la suite d’une expertise judiciaire, le tribunal administratif de Lille a condamné le titulaire du marché de démolition à indemniser l’office public d’habitations à loyer modéré, devenu Lille Métropole Habitat, des préjudices nés de retard pris dans l’exécution du marché de travaux consécutivement à la mauvaise réalisation de ses missions.
La cour administrative d’appel de Douai a censuré cette condamnation et rejeté les demandes du maître d’ouvrage, lequel s’est pourvu en cassation contre cet arrêt.
Le Conseil d’État, après avoir rappelé les principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs, considère que des travaux d’ampleurs limitées et portant pour l’essentiel sur des remblaiements ne relèvent pas de la garantie décennale, quand bien même ils auraient été réalisés dans l’attente d’une opération de construction immobilière.
« 3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les travaux de remaniement du sol confiés, en complément des travaux de démolition d’un bâtiment existant, à la société Sodenor étaient d’ampleur limitée et se bornaient pour l’essentiel au ” remblaiement des terrains ” en matériaux compactés et en terre végétale, ainsi qu’à l’engazonnement des espaces verts. En jugeant que de tels travaux, quand bien même ils auraient été réalisés dans l’attente d’une opération de construction immobilière, ne portaient pas en eux-mêmes sur la réalisation d’ouvrages, au sens des principes régissant la garantie décennale des constructeurs, et n’étaient ainsi pas susceptibles de donner lieu à l’engagement de la responsabilité de la société Ramery Revitalisation à ce titre, la cour, qui ne s’est pas contredite, n’a pas commis d’erreur de droit ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis. »
Aussi, pour des travaux de démolition, la responsabilité contractuelle ne peut être engagée après la réception sans réserve, même pour les désordres non apparents à la réception.
« 4. En deuxième lieu, la cour, qui a relevé par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que les travaux de démolition avaient fait l’objet d’une réception sans réserve le 18 septembre 2006, a pu juger sans erreur de droit et sans entacher son arrêt de contradiction de motifs que cette circonstance faisait obstacle à ce que Lille Métropole Habitat invoque la responsabilité contractuelle de la société Ramery Revitalisation, quand bien même les désordres n’auraient pas été apparents lors de la réception. En statuant ainsi, elle n’a, contrairement à ce que soutient l’établissement requérant, pas entaché son arrêt d’une contradiction avec les motifs par lesquels elle a jugé que la société Ramery Revitalisation n’était pas tenue, eu égard à la nature des travaux en litige, à la garantie décennale des constructeurs. »
Dans ces conditions, le pourvoi de Lille Métropole Habitat dirigé contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai a été rejeté, confirmant le rejet de ses demandes contre le titulaire du marché de démolition fondées sur les régimes de la responsabilité décennale et contractuelle.