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Droit au silence d’un étudiant d’une université lors d’une procédure disciplinaire

Droit au silence d’un étudiant d’une université lors d’une procédure disciplinaire

Le besoin d’informer la personne faisant l’objet de poursuite disciplinaire du droit qu’elle détient de se taire s’étend désormais aux usagers du service public de l’enseignement supérieur. C’est le sens de l’ordonnance rendue par le Conseil d’État le 9 mai 2025, n° 299277 qui annule l’ordonnance du Tribunal administratif de NANTES du 13 novembre 2024, n° 2416412.

L’usager du service public concerné, en l’espèce d’une université, avait fait l’objet d’une mesure d’exclusion de 9 mois par la section disciplinaire du conseil académique de l’établissement, compétente à l’égard des usagers. Devant le Tribunal administratif, aucun des moyens soulevés à l’occasion du référé-suspension n’avait été accueilli par le Tribunal administratif de NANTES.

Ni l’absence d’information du droit de se taire, ni les griefs soulevés quant à la régularité de la procédure n’avaient été regardés comme de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la sanction infligée.

Saisi du pourvoi de cette étudiante, le Conseil d’État a étendu à l’étudiant d’une université à l’égard duquel une procédure disciplinaire est engagée le droit de se taire.

C’est ainsi qu’après avoir rappelé les dispositions réglementaires du code de l’éducation qui déterminent les garanties dont bénéficie l’étudiant visé par une procédure disciplinaire que le Conseil d’État déduit de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen le droit de ne pas s’accuser soi-même, et donc de se taire :

« 5. D’autre part, aux termes de l’article 9 de la Déclaration de 1789 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. » Il en résulte le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de se taire. »

« 6. Ces exigences s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition. Elles impliquent que l’usager d’une université faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne puisse être entendu sur les agissements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire. A ce titre, il doit être avisé, avant d’être entendu pour la première fois, qu’il dispose de ce droit pour l’ensemble de la procédure disciplinaire. »

Pour rappel, c’est sur cette base que le Conseil constitutionnel avait reconnu au notaire objet d’une procédure disciplinaire le droit de se taire, puis à l’agent public objet de telles poursuites. C’est désormais à l’usager d’une université, c’est-à-dire à l’étudiant, qu’il convient de reconnaître ce droit.

Les conditions dans lesquelles l’absence d’information du droit de se taire est susceptible de vicier la procédure disciplinaire elle-même demeurent inchangées. Ainsi, il ne suffit pas que l’étudiant poursuivi disciplinairement n’ait pas été informé de ce droit pour que la sanction finalement infligée encourt l’annulation. Il faut en effet que les faits qui fondent cette sanction aient été établis sur la base des déclarations de l’étudiant poursuivi, sans que son droit de se taire ne lui ait été indiqué. Tel n’était pas le cas dans la présente espèce.

L’étudiante sanctionnée n’ayant pas été informée du droit dont elle disposait de se faire assister ou représenter par un conseil lors de cette procédure et n’ayant pas disposé d’un délai suffisant pour préparer sa défense, le Conseil d’État a néanmoins annulé l’ordonnance du Tribunal.

L’extension de cette obligation aux étudiants d’une université pose néanmoins de nombreuses questions. Si les étudiants des autres établissements publics d’enseignements supérieurs sont logiquement concernés, qu’en est-il pour les procédures disciplinaires menées dans l’enseignement supérieur privé, qui ne sont pas régies par des dispositions du code de l’éducation ? De même, le service public de l’éducation dans son ensemble, y compris les premier et second degrés seront ils également concernés ? D’autres décisions devront le préciser.

La décision