- Par un arrêt du 27 janvier 2025, le conseil d’Etat vient de juger que l’éventuelle illégalité de la délibération qui arrête un projet de plan local d’urbanisme était sans incidence sur la délibération qui approuve le plan local d’urbanisme. Nous soulignons :
« Eu égard, d’une part, aux spécificités de la procédure d’élaboration ou de révision du plan local d’urbanisme […], qui impliquent que le conseil municipal est nécessairement conduit à se prononcer, lors de l’adoption définitive du plan local d’urbanisme ou de sa révision, sur le contenu de ce document et, d’autre part, à l’absence d’effet propre de la phase arrêtant le projet de plan avant l’enquête publique, prévue par l’article L. 153-14 du code de l’urbanisme, les éventuelles irrégularités affectant la délibération arrêtant le projet de plan sont sans incidence sur la légalité de la délibération approuvant le plan. Par suite, c’est sans erreur de droit que la cour administrative d’appel de Bordeaux a écarté comme inopérant le moyen tiré de l’illégalité de la délibération arrêtant le plan local d’urbanisme ».
Dans cette espèce, les requérants tentaient d’opposer l’illégalité de la convocation/information des élus pour la séance délibérant sur l’arrêt du projet, pour en conclure un vice de la procédure ayant abouti à l’approbation du plan local d’urbanisme. Le conseil d’Etat a écarte expressément un tel moyen.
Dit autrement, l’illégalité de l’arrêt du plan local d’urbanisme ne permet pas/plus de contester un plan local d’urbanisme et plus globalement un document d’urbanisme, puisque cette solution parait naturellement transposable à tous type de document d’urbanisme, notamment les schémas de cohérence territoriale.
La motivation de l’arrêt ici rapporté est intéressante, car elle exprime l’idée selon laquelle, la délibération approuvant le plan local d’urbanisme purge tous les vices de procédure/forme antérieurs, comme l’y invitait d’ailleurs expressément le rapporteur public dans ses conclusions.
- En le recontextualisant, l’on retiendra de cet arrêt :
- D’abord, qu’il s’inscrit (et complète) un processus globalement orienté vers la sécurisation des documents d’urbanisme, a minima, contre d’éventuels vices de formes et de procédure.
En ce sens, il convient de rappeler que l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme, qui n’est étonnamment pas cité par l’arrêt du 27 janvier 2025, prévoit déjà une certaine immunité des documents d’urbanisme contre les vices de formes ou de procédure.
En effet, sauf « méconnaissance substantielle ou violation des règles de l’enquête publique ou absence du rapport de présentation ou des documents graphiques », ces vices « ne peuvent plus être invoqués par voie d’exception, après l’expiration d’un délai de six mois à compter de la prise d’effet du document en cause ».
En application de ces dispositions, la jurisprudence administrative a déjà très régulièrement purgé des plans locaux d’urbanisme contre les éventuels vices affectant la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision du document d’urbanisme (conseil d’État, 23 décembre 2014, n° 368098 ; conseil d’Etat, 5 mai 2017, Commune de Saint-Bon-Tarentaise, requête n° 388902 ; conseil d’Etat, 6 décembre 2017, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, requête n° 400735 ; cour administrative d’appel de Nantes, 15 novembre 2017, requête n° 15NT02742 ; cour administrative d’appel de Bordeaux, 26 octobre 2018, requête n° 16BX02601), y compris par exemple pour une éventuelle imprécision des objectifs d’élaboration du plan local d’urbanisme, dont il pouvait être soutenu qu’elle affectait également l’information ensuite des personnes publiques associées (cour administrative d’appel de Bordeaux, 24 mai 2018, requête n°16BX03650).
Le juge administratif a même estimé que l’éventuelle absence de caractère exécutoire de la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision du plan local d’urbanisme ne pouvait « eu égard à son objet et à sa portée, être utilement invoqué contre la délibération approuvant le PLU » (cour administrative d’appel de Marseille, 6 février 2018, requête n° 17MA03209) ; étant précisé en outre que suivant jurisprudence constante, les certificats d’affichage et de publicité portés par une autorité publique font foi jusqu’à preuve du contraire (cour administrative d’appel de Bordeaux, 7 mai 2015, requête n° 14BX00081 ; cour administrative d’appel de Bordeaux, 9 juillet 2015, requête n°13BX02351 ; cour administrative d’appel de Versailles, 29 mars 2018, requête n°16VE02775), quand bien même le certificat produit en défense par collectivité territoriale avait été établit pour les besoins du contentieux (cour administrative d’appel de Lyon, 7 novembre 2017, requête n° 15LY02839).
- Ensuite cet arrêt du 27 janvier 2025 confirme une solution déjà fixée par certains juges du fond. A titre d’exemples :
- A l’occasion de l’exception d’illégalité d’un plan local d’urbanisme qu’une société a tenté d’opposer à l’occasion d’un recours contre l’autorisation environnementale qui lui avait été accordée : « le moyen tiré de l’insuffisance alléguée du rapport de présentation, qui n’est pas de nature à le faire regarder comme équivalent à son absence, et celui tiré du prétendu défaut d’affichage de la délibération du 26 mars 2007 arrêtant le projet de révision du PLU, constituent des moyens de légalité externe ne pouvant plus être invoqués par voie d’exception après l’expiration du délai de six mois précité » (cour administrative d’appel de Marseille, 6 décembre 2010, Sté SOREDEM, n°08MA02272).
- Plus directement et à l’occasion de la défense de plans locaux d’urbanisme girondins, le Cabinet a, par le passé, pu faire juger l’inopposabilité des vices de forme ou de procédure qui affecteraient la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision du PLU (cour administrative d’appel de Bordeaux, 29 octobre 2019, Société Limite c/ Commune de Lacanau, confirmé par Conseil d’Etat, 14 décembre 2020, n°437165 ) et de toutes les autres délibérations relatives notamment au débat du PADD ou à l’arrêt du projet (cour administrative d’appel de Bordeaux, 7 juillet 2022, M. et Mme Sixta contre Mios, n° 21BX01276 ; cour administrative d’appel de Bordeaux, 7 juillet 2022, M. Bieche et autres contre Mios, n° 21BX01250) :
- En conclusion, on peut donc se demander si, avec cet arrêt du 27 janvier 2025, la Haute Juridiction ne bascule pas, s’agissant des vices de forme et de procédure, de l’immunité offerte par l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme à une véritable purge de la procédure d’élaboration / révision du plan local d’urbanisme par la seule délibération qui approuve le document d’urbanisme.