Dans une décision rendue le 12 mars 2025, le Conseil d’État a rappelé le principe selon lequel la désaffectation d’un bien du domaine public artificiel a toujours pour origine une décision administrative, même implicite.
Pour mémoire, il ressort de l’article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) que :
« Un bien d’une personne publique (…), qui n’est plus affecté à un service public ou à l’usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l’intervention de l’acte administratif constatant son déclassement ».
Un bien ne peut donc sortir du domaine public que si deux conditions sont réunies. Il doit d’abord être effectivement désaffecté, c’est-à-dire ne plus être affecté à l’usage direct du public ou à un service public. En règle générale, il s’agit là d’une opération purement matérielle. Le bien doit ensuite et surtout être déclassé par l’adoption d’un acte formel constatant sa sortie du domaine public.
Dans l’affaire commentée, le conseil de la communauté urbaine de Perpignan Méditerranée Métropole, par une délibération en date du 15 février 2018, a approuvé la modification du règlement intérieur du marché de gros de Perpignan, en sortant certains halls de la halle au grossiste du périmètre de ce marché. Par la suite, ce même organe, par une nouvelle délibération en date du 22 octobre 2018, a constaté la désaffectation de ces mêmes halls au service public du marché de gros et, en conséquence, a prononcé leur déclassement du domaine public dans la perspective d’une vente des parcelles y afférentes.
Au visa de l’article L. 2141-1 précité du CGPPP, le Conseil d’État a annulé l’arrêt de la cour au motif que :
« Pour juger que la société (…) était fondée à demander l’annulation de la délibération du 15 février 2018, la cour s’est fondée sur ce que cette délibération, qui modifiait le règlement du marché de gros en vue d’en réduire le périmètre, ne pouvait avoir pour objet ni pour effet d’entraîner la désaffectation de la halle aux grossistes, ce dont elle a déduit que, dans la mesure où les bâtiments en cause ne pouvaient être regardés comme entièrement désaffectés à la date de la délibération en raison de la persistance d’une occupation partielle de cet entrepôt par la société (…), cette délibération était entachée d’un détournement de pouvoir ».
Il considère ensuite, et c’est là tout l’intérêt de cette décision, que :
« En statuant ainsi, alors que la communauté urbaine, qui est compétente pour adapter l’organisation et les conditions de fonctionnement du service public du marché de gros, pouvait légalement modifier, pour des motifs de bonne administration, le périmètre sur lequel s’applique son règlement intérieur et prendre une mesure susceptible d’entraîner la désaffectation de tout ou partie de la halle aux grossistes au service public dont elle a la charge, quand bien même des entreprises continueraient d’y exercer une activité de commerce de gros, la cour a commis une erreur de droit et dénaturé les pièces des dossiers qui lui était soumis ».
Ce faisant, le Conseil d’Etat entend rappeler un principe fort ancien, à savoir que l’autorité gestionnaire du domaine est toujours libre de décider, si besoin par l’intermédiaire d’un acte juridique, la désaffectation à venir de son bien. La désaffectation d’un bien du domaine public artificiel résulte toujours d’une décision, même implicite, de ne plus l’utiliser à une fin d’utilité publique. La désaffectation peut ainsi résulter d’une décision de la personne publique de changer le statut de l’activité.
C’est ainsi que, pour la doctrine, « Si des arrêts laissent entre que le simple fait de ne plus utiliser un bien équivaut à une désaffectation, il ne faut pas se laisser abuser : cette situation a toujours pour origine une décision administrative, fût-elle implicite. Dans ce cas, le juge se concentre sur les circonstances de fait car celles-ci sont révélatrices de la décision antérieure de désaffectation. En effet, en la matière, comme en tout autre, une action administrative matérielle présume toujours un acte antérieur, ici non formalisé. Quand elle est expresse, cette décision prend des formes variées, par exemple celle d’un acte unilatéral de fermeture de bâtiment ou d’une impasse (…) La désaffectation, comme fait matériel, est alors la conséquence de la décision de ne plus poursuivre l’utilisation du bien » (Norbert Foulquier, Droit administratif des biens – LexisNexis 3ème édition 2015).