Dans sa décision n° 491187 du 7 mars 2025, le Conseil d’État affirme la possibilité pour une juridiction disciplinaire ordinale de siéger en formation incomplète.
En l’espèce, le président de la chambre nationale de discipline de l’ordre des vétérinaires, saisi en appel d’une décision de la chambre régionale, a estimé que sa chambre était dans l’impossibilité de se prononcer régulièrement sur cette affaire au motif que l’exigence d’impartialité faisait obstacle au tirage au sort de quatre assesseurs.
En effet, le I. de l’article L. 242-8 du code rural et de la pêche maritime prévoit que la chambre nationale de discipline est composée de son président et de quatre assesseurs.
Un tel nombre est apparu inatteignable pour le président de la chambre en raison d’une part de l’assiette limitée des membres du conseil national de l’ordre des vétérinaires permettant un tel tirage au sort et, d’autre part, du risque de méconnaître l’exigence d’impartialité.
Le président de la chambre a donc transmis au Conseil d’État le jugement de l’appel en cause.
Saisi de l’affaire, le Conseil d’État commence par rappeler que les dispositions du code rural et de la pêche maritime ne déterminent aucun nombre minimal de membres devant siéger au sein de la chambre nationale de discipline de l’ordre des vétérinaires pour lui permettre de statuer valablement sur une affaire.
Pour la haute juridiction, « il s’en déduit que la chambre nationale de discipline peut régulièrement statuer sur des poursuites disciplinaires dès lors que la majorité au moins de ses membres a siégé, soit au moins trois d’entre eux ».
Le Conseil d’État rappelle ensuite qu’en application de l’article R. 242-100 du même code et en vertu du principe d’impartialité et d’indépendance des juridictions, un membre de la juridiction qui s’estime partial doit se désister de l’affaire et doit se comporter de façon à prévenir tout doute légitime en la matière. Au titre de ce principe, ce membre peut également être récusé à la demande des parties. En tout état de cause, les juges du Palais Royal précisent que « il lui appartient de s’abstenir de participer au jugement de l’affaire s’il estime en conscience devoir se déporter, sans avoir à s’en justifier ».
De l’ensemble de ces considérations, le Conseil d’État déduit que « si la chambre nationale de discipline de l’ordre des vétérinaires doit, en principe, siéger à cinq membres, elle peut, si le respect de l’exigence d’impartialité de ses membres fait obstacle au tirage au sort de quatre assesseurs dans les conditions prévues au I de l’article L. 242-8 du code rural et de la pêche maritime, statuer dans une formation incomplète, sous réserve de respecter la règle de quorum ».
Le Conseil d’État affirme ainsi la possibilité pour une juridiction disciplinaire de siéger en formation incomplète si une telle incomplétude s’impose pour respecter les nécessaires principes d’indépendance et d’impartialité de la juridiction.
Ce n’est que dans le cas où, malgré l’application de ces règles, la chambre nationale continue d’être dans l’impossibilité de statuer, que le président de la chambre transmet l’affaire au Conseil d’État.
Ce dernier juge que tel n’est pas le cas en l’espèce. La chambre nationale de discipline pouvait se tenir en réunissant outre son président, au moins deux assesseurs tirés au sort parmi les membres du Conseil national de l’ordre des vétérinaires.
Partant, le Conseil d’État refuse de statuer sur l’affaire et renvoie celle-ci devant la chambre nationale de discipline.
Ce principe affirmé par le Conseil d’État semble transposable aux chambres régionales de discipline de l’ordre des vétérinaires, compte tenu de l’absence de dispositions dans le code rural et de la pêche imposant un nombre minimal de membres devant siéger.
C’est également le cas pour les chambres disciplinaires nationales et régionales de l’ordre des médecins et des pharmaciens, le code de la santé publique ne prévoyant pas plus un nombre minimal de membres devant siéger.
Seul le sort des infirmiers et des masseurs-kinésithérapeutes semble ici devoir être distingué dès lors que les articles R. 4311-93 et R. 4321-39 mais aussi R.4 311-89 et R. 4321-48 du même code, s’appliquant respectivement aux chambres nationales et aux chambres régionales, prévoient expressément qu’au moins cinq membres doivent siéger, ce qui exclut la transposition de la jurisprudence du Conseil d’État à ces ordres.