Nos webinaires
Veille juridique

Mise en concurrence du domaine privé : le Gouvernement nuance la position du Conseil d’État

Dans une réponse ministérielle publiée au JO le 19 juin 2025, le ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie précise la position du Gouvernement concernant la possibilité de recourir à une procédure de mise en concurrence sur le domaine privé des personnes publiques.

Pour rappel, depuis l’arrêt Promoimpresa (CJUE, 14 juillet 2016), la délivrance des autorisations d’occupation du domaine d’une personne publique, en vue d’une exploitation économique, doit être précédée d’une procédure de sélection préalable. Cette exigence a été consacrée en droit interne par l’ordonnance du 19 avril 2017, qui l’a introduite à l’article L. 2122-1-1 du CG3P. Toutefois, ce texte ne s’applique qu’au domaine public et ne prévoit pas, ni n’exclut, la possibilité d’imposer une procédure de sélection préalable pour l’occupation du domaine privé.

Toutefois, en raison des incertitudes persistantes quant à l’applicabilité de cette obligation au domaine privé, le Conseil d’État a confirmé l’absence d’une telle obligation (CE, 2 décembre 2022, Commune de Biarritz).

Voir notre article sur la jurisprudence Commune de Biarritz.

Le sénateur J-M. Arnaud, dans le cadre des questions aux ministres, demande au ministre de l’Économie de préciser la position du Gouvernement sur l’obligation de mettre en œuvre une procédure de mise en concurrence sur le domaine privé.

Selon le sénateur, le fait que le droit de l’Union européenne ne distingue pas entre domaine public et domaine privé pourrait entraîner une divergence entre la jurisprudence européenne et la jurisprudence nationale. Il estime que l’interprétation retenue par le Conseil d’État dans l’arrêt Commune de Biarritz pourrait être incompatible avec la position de la Cour de justice de l’Union européenne dans l’arrêt Promoimpresa. Cette divergence exposerait “les collectivités et leurs partenaires économiques à un certain nombre d’incertitudes préjudiciables qu’il conviendrait de lever”.

Après avoir rappelé l’état du droit applicable, le ministre de l’Économie estime que la distinction entre domaine public et domaine privé recoupe dans une large mesure les critères d’application de la directive “Services”. Il souligne que la position du Conseil d’État, exprimée dans l’arrêt Commune de Biarritz, “répond également à la préoccupation de fournir aux gestionnaires domaniaux une solution simple et lisible”. Il en conclut implicitement à la compatibilité de la jurisprudence nationale avec celle de l’Union européenne.

Néanmoins, le ministre nuance son propos en soulignant que la prudence dont fait preuve le Conseil d’État dans sa motivation “invite à ne pas écarter de manière générale et abstraite la mise en concurrence sur le domaine privé”.

De ce fait, il recommande aux gestionnaires domaniaux d’envisager une procédure de mise en concurrence dans certaines situations. Notamment lorsque l’analyse in concreto des conditions d’octroi du titre d’occupation sur le domaine privé — attribué de gré à gré — révèle la réunion des critères déclenchant l’obligation de mise en concurrence du domaine public, fondée sur le droit de l’Union européenne. Il rappelle que les critères d’octroi sont notamment la nature de l’activité exercée, la rareté de la dépendance ou encore l’intérêt transfrontalier certain.

Les gestionnaires devront être particulièrement prudents lorsque la domanialité privée est douteuse ou lorsqu’elle est déterminée par la loi.

Par ailleurs, dans l’hypothèse où une procédure de mise en concurrence est engagée, les gestionnaires devront veiller à respecter l’exigence de remise en concurrence périodique prévue à l’article 2 de la directive “Services”.

Le ministre de l’Economie prévoit donc des situations où il est recommandé pour les gestionnaires domaniaux de mettre en place des procédures de mise en concurrence sur le domaine privé.

Ainsi, le ministre envisage plusieurs situations dans lesquelles il serait opportun de recourir à une mise en concurrence sur le domaine privé. Toutefois, il précise que le Gouvernement n’envisage pas, à ce stade, de proposer au législateur une généralisation de cette obligation. Une telle mesure serait, selon lui, prématurée et risquerait de compromettre les possibilités de valorisation du domaine privé par les gestionnaires.

Par ses recommandations, le ministre de l’Économie semble réintroduire une certaine complexité dans la question de la mise en concurrence du domaine privé, alors même que la jurisprudence Commune de Biarritz avait, selon ses propres termes, apporté une solution “simple et lisible“.

En effet, là où la décision du Conseil d’État de 2022 établissait une distinction claire entre la mise en concurrence du domaine public et celle du domaine privé, le ministre invite désormais à une vigilance particulière quant à une éventuelle obligation de mise en concurrence, sans en préciser de manière rigoureuse les critères ou les situations concrètes d’application.