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Articulation entre poursuites pénales et prescription disciplinaire

Articulation entre poursuites pénales et prescription disciplinaire

Par une décision du 24 juin 2025, nᵒ 476387, Ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, le Conseil d’État a précisé les règles de computation du délai de prescription triennale de l’action disciplinaire de l’administration à l’encontre de ses agents lorsque ceux-ci font par ailleurs l’objet de poursuites pénales.

Depuis 2016 pour les fonctionnaires et 2022 pour les contractuels, l’action disciplinaire de l’employeur public se prescrit dans un délai de 3 ans à compter de la « connaissance effective de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits » (art. L. 532-2 CGFP pour les fonctionnaires ; art. 36 du décret n° 88-145 pour les contractuels de la FPT, art. 39-3 du décret n° 91-155 pour les contractuels de la FPH, et art. 43-1 du décret n° 86-83 pour les contractuels de la FPE).

Le Conseil d’État considère que ce texte interdit par principe à l’employeur public d’engager des poursuites disciplinaires pour des faits dont il a une connaissance effective depuis plus de trois ans, sauf dans le cas particulier où des poursuites pénales sont par ailleurs engagées contre l’agent à raison des mêmes faits :

« 3. Il résulte de ces dispositions que le délai entre la date à laquelle l’administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l’ampleur de faits passibles de sanction imputables à un fonctionnaire et la date où ce dernier est régulièrement avisé de l’engagement à son encontre d’une procédure disciplinaire ne peut excéder trois ans. Toutefois, quand des poursuites pénales viennent à être exercées à l’encontre du fonctionnaire après que ce délai a commencé à courir, ou quand de telles poursuites sont déjà en cours quand il commence à courir, le délai est interrompu jusqu’à l’intervention d’une décision définitive de classement sans suite, de non-lieu, d’acquittement, de relaxe ou de condamnation. Doit être regardée comme une décision pénale définitive au sens de ces dispositions une décision devenue irrévocable. Le délai de prescription recommence à courir pour trois ans à compter de la date à laquelle le caractère irrévocable de la décision est acquis, sans qu’ait d’incidence la date à laquelle l’administration prend connaissance de cette décision. En revanche, quand l’administration n’avait aucune connaissance effective de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits jusqu’à ce qu’elle découvre l’existence d’une condamnation définitive, c’est la date à laquelle l’administration est informée de cette condamnation qui constitue le point de départ du délai de trois ans. »

Ainsi, le Conseil d’État a précisé plusieurs principes d’articulation entre poursuites pénales et délai de prescription en matière disciplinaire :

  • Lorsque l’employeur public a une connaissance effective des faits et que des poursuites pénales ont été engagées avant que le délai de prescription commence à courir ou le sont après qu’il a commencé à courir: le délai est interrompu jusqu’à l’intervention d’une décision définitive en matière pénale (classement sans suite, non-lieu, acquittement, relaxe ou condamnation) et recommence à courir pour une durée de 3 ans à compter de la date à laquelle le caractère irrévocable de la décision est acquis, sans que la date à laquelle l’administration prend connaissance de cette décision n’ait d’incidence.
  • Lorsque l’employeur public n’a une connaissance effective des faits que le jour où elle prend connaissance de la décision définitive du juge pénal: le délai de prescription de l’action disciplinaire débute sa course à compter de cette date.

Dans tous les cas, il appartiendra à l’employeur public de pouvoir démontrer à quelle date il a eu une connaissance effective des faits puisque c’est celle-ci qui conditionne le point de départ du délai de prescription.

Dans la pratique, l’interruption du délai de prescription par des poursuites pénales peut conduire à un allongement important de la période pendant laquelle l’employeur public est susceptible d’engager une procédure disciplinaire à l’encontre d’un agent, puisqu’un nouveau délai de 3 ans commence à courir a minima à compter de la date d’intervention d’une décision irrévocable du juge pénal, et ce même si les poursuites pénales ont été engagées longtemps après le départ du délai de prescription.

Tant les employeurs que les agents publics devront par conséquent être vigilants sur ce point.

Enfin, le Conseil d’État a également eu l’occasion de rappeler la computation des délais pour des faits antérieur à l’entrée en vigueur de la prescription triennale :

« [L]orsqu’une loi nouvelle institue, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, un délai de prescription d’une action disciplinaire dont l’exercice n’était précédemment enfermé dans aucun délai, le nouveau délai de prescription est applicable aux faits antérieurs à la date de son entrée en vigueur mais ne peut, sauf à revêtir un caractère rétroactif, courir qu’à compter de cette date. Par suite, lorsque, selon le cas, la date à laquelle l’administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits, ou la date à laquelle est devenue irrévocable la décision mettant fin à la procédure pénale engagée à raison de ces faits, est antérieure au 22 avril 2016, date d’entrée en vigueur de la loi du 20 avril 2016, le délai de trois ans court à compter du 22 avril 2016. »

Pour les fonctionnaires le délai de prescription de l’action disciplinaire n’a donc pas pu commencer à courir avant le 22 avril 2016, et pour les agents contractuels avant la date d’entrée en vigueur du décret dans chaque versant de la fonction publique (27 avril 2022 pour la FPE, 18 mai 2022 pour la FPH, 15 août 2022 pour la FPT).