Dans cette affaire, un propriétaire de lots dans un ensemble immobilier soumis au statut de la copropriété a assigné le syndicat des copropriétaires de la communauté immobilière, son syndic et la présidente du conseil syndical, en annulation d’une assemblée générale et en paiement de dommages et intérêts.
La présidente du conseil syndical et le syndicat principal intervenus volontairement à l’instance ont soulevé :
- une exception de nullité de l’assignation délivrée à une entité inexistante
- et une fin de non-recevoir tirée d’un défaut de qualité à défendre.
La cour d’appel a jugé irrecevable l’action du propriétaire et a considéré que cette dernière était dirigée contre une entité inexistante, ce qui constituait selon elle, une nullité de fond insusceptible de régularisation. Elle a par conséquent rejeté la demande de dommages et intérêts.
Dans cette affaire, il s’avère que l’ensemble immobilier était administré par un syndicat principal et un syndicat secondaire. Toutefois, le propriétaire dans son assignation n’a pas précisé si celle-ci était dirigée à l’encontre du syndicat principal ou du syndicat secondaire. Il s’est contenté d’indiquer dans l’assignation le « syndicat des copropriétaires de la communauté immobilière ».
La Cour d’appel a donc reproché au propriétaire cette imprécision et a déclaré l’assignation nulle pour vice de fond.
La Cour de cassation, statuant le 22 mai 2025 (n° 23-18.768) a cassé cet arrêt. S’appuyant sur les articles 114 et 117 du Code de procédure civile, elle a retenu :
« Il en résulte que dans un acte de procédure, l’erreur ou l’imprécision relative à la dénomination d’une partie n’affecte pas la capacité à ester en justice qui est attachée à la personne quelle que soit sa désignation et ne constitue qu’un grief de forme, lequel ne peut entrainer la nullité de l’acte que sur justification d’un grief »
Cette décision s’inscrit donc dans la continuité de la jurisprudence constante de la Cour de cassation en la matière.
Déjà, dans une autre espèce, datant du 4 mars 2021, (Civile 2ème 4 mars 2021, n° 19-22.844), la Cour de cassation avait jugé :
« En statuant ainsi, alors que l’erreur dans la désignation du syndic représentant le syndicat de copropriétaires intimé dans des conclusions émanant de l’appelant ne peut constituer qu’un vice de forme, lequel ne peut entraîner la nullité de l’acte que sur justification d’un grief, la cour d’appel a violé les textes susvisés »
La décision de la Haute Juridiction apparaît logique dans la mesure où le syndicat des copropriétaires ou du moins les syndicats (principal et secondaire) existent bel et bien. De ce fait, il n’existe aucun défaut de capacité à ester en justice.
Pour rappel, la nullité pour vice de forme est une irrégularité affectant les modalités d’accomplissement de l’acte et est prévue à l’article 114 du Code de procédure civile, à deux conditions cumulatives :
- Pas de nullité sans texte : La nullité doit donc être expressément prévue par la loi sauf en cas d’inobservation d’une règle de formalité substantielle ou d’ordre public ;
- L’auteur de la demande de nullité doit prouver un grief même lorsqu’il s’agit d’une nullité substantielle ou d’ordre public. La jurisprudence définit le grief comme le préjudice subi résultant de l’impossibilité d’organiser sa défense dans des conditions optimales.
Ainsi, dans le cas de la décision analysée, l’imprécision affectant la désignation d’un syndicat des copropriétaires relève de l’article 54 du Code de de procédure civile qui est le texte prévoyant cette nullité de forme. Ce dudit article impose les mentions obligatoires qui doivent figurer dans l’assignation, s’agissant notamment des personnes morales : leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement.
Tandis que la nullité pour vice de fond est régie par l’article 117 du Code de procédure civil et vient sanctionner les irrégularités affectant la validité de l’acte. Ces irrégularités sont les suivantes :
- défaut de capacité d’ester en justice ;
- défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice ;
- défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice.
Concernant cette nullité pour vice de fond, la démonstration d’un grief n’est pas requise.
Par cet arrêt, la Cour de cassation réaffirme sa position de principe concernant l’imprécision dans la désignation du syndicat des copropriétaires : il s’agit d’un vice de forme et non de fond, qui ne saurait entraîner la nullité de l’assignation, sauf si la partie adverse démontre avoir subi un préjudice (en l’occurrence fait état d’un grief) du fait de cette imprécision.
Cette position adaptée par les juges du droit semble révéler leur volonté de concilier le respect des règles procédurales avec le droit fondamental d’accès à la justice.