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Biens de retour et propriété des tiers

Biens de retour et propriété des tiers

Note sous CE, 17 juill. 2025, nᵒ 503317, Commune de Berck-sur-Mer : à paraitre au Lebon

Par une décision du 17 juillet 2025, le Conseil d’État a apporté une précision importante à sa jurisprudence relative à la qualification de bien de retour, en déterminant les conditions dans lesquelles le bien d’un tiers à un contrat de concession peut encourir la qualification de bien de retour.

Rappel : Qu’est-ce qu’un bien de retour ?

Un bien de retour est un bien, meuble ou immeuble, qui résulte d’investissements du concessionnaire et qui est nécessaire au fonctionnement du service concédé (CCP, art. L. 3132-4 ; CE, 26 févr. 2016, nᵒ 3844243, Syndicat mixte de chauffage urbain de La Défense).

Cette catégorie inclut d’ailleurs les biens nécessaires au service dont le concessionnaire était propriétaire avant la signature du contrat (CE, sect., 29 juin 2018, nᵒ 402251, Ministre de l’intérieur c/ Communauté de communes de la vallée de l’Ubaye : Lebon, p. 285).

Les biens de retour sont à distinguer des « biens de reprise » et des « biens propres » (CCP, art. L. 3132-4).

La distinction entre les deux premières de ces catégories se fait selon un critère fonctionnel : un bien simplement utile, qui n’est pas indispensable au fonctionnement du service public, est un bien de reprise. Etant précisé que la fonction du bien s’apprécie au regard de l’objet du service (en ce sens, CE, 11 mai 2016, nᵒ 375533, Commune de Douai : Lebon T., p. 785, 827 et 829).

Quant aux biens propres du concessionnaire, ils constituent une catégorie résiduelle constitués des biens qui ne sont ni des biens de retour, ni des biens de reprise.

L’enjeu de la qualification de bien de retour

Tout l’enjeu de cette qualification réside dans le sort du bien au terme du contrat de concession.

En effet, à la différence des biens de reprise et des biens propres, au terme du contrat de concession de travaux ou du contrat concédant un service public, les biens de retour qui ont été amortis au cours de l’exécution du contrat de concession font retour dans le patrimoine de la personne publique gratuitement (CCP, art. L. 3132-5, al. 1ᵉʳ).

Aussi, nous préciserons que la jurisprudence constante s’oppose à ce que les cocontractants appliquent à un bien de retour nécessaire au service le régime des biens de reprise ou des biens propres (en ce sens, CE, 5 févr. 2014, nᵒ 371121, Société Equalia et Polyxo).

Concrètement, aucune disposition contractuelle ne saurait faire obstacle au retour des biens dans le patrimoine de la personne publique à l’expiration du contrat de concession de service public, lorsque ceux-ci sont encore nécessaires (CCP, art. L. 3132-5)Le contrat peut néanmoins permettre au concédant de faire reprendre par le concessionnaire les biens qui ne seraient plus nécessaires au fonctionnement du service public.

À l’inverse, le Conseil d’État juge classiquement que le contrat peut soumettre les biens de reprise au régime des biens de retour (CE, 3 juin 1970, Compagnie du chemin de fer de Bayonne à Biarritz : Lebon, p. 381 ; CE, 13 avr. 1985, nᵒ 45966, Gaz de France c/ Commune de Nice).

La nouveauté : la qualification de bien de retour d’un bien appartenant à un tiers à la concession

En principe, en application du principe d’effet relatif des contrats (CE, sect., 11 juill. 2011, nᵒ 339409, Mᵐᵉ Gilles : Lebon, p. 330), même affectés au fonctionnement du service public et nécessaires au fonctionnement de ce service, les biens d’un tiers au contrat n’entrent pas dans la catégorie des biens de retour.

Fort logiquement, ils n’entreront pas dans le patrimoine de la personne publique au moment de l’expiration du contrat.

Ce faisant, dans la décision commentée, le Conseil d’État pose les conditions dans lesquelles le bien d’un tiers au contrat peut, par exception, encourir la qualification de bien de retour.

La première condition concerne la nature des relations du tiers et du concédant. Il faut que les biens en cause soient ceux :

  • soit d’un tiers qui entretient des liens étroits avec le concessionnaire, de nature à faire que ce dernier « exerce une influence décisive à la fois sur les objectifs stratégiques et sur les décisions importantes » ;
  • soit d’un tiers placé sous le contrôle d’une même entreprise tierce que le concessionnaire.

La seconde condition exige que les biens en cause se trouvent, dans le cadre de l’exécution du contrat de concession, mis à la disposition exclusive du concessionnaire, pour l’exécution de cette convention.

Si ces deux conditions sont remplies, « [L]e propriétaire du bien doit être regardé comme ayant consenti à ce que l’affectation du bien au fonctionnement du service public emporte son transfert dans le patrimoine de la personne publique, dans les conditions précédemment énoncées » (décision commentée, CE, 17 juill. 2025, nᵒ 503317, Commune de Berck-sur-Mer : à paraître au Lebon, cons. 9). 

Le Conseil d’État a ainsi choisi d’adopter une approche réaliste de la situation des groupes constitués de plusieurs personnes morales, suivant les conclusions de son rapporteur public, qui exposait que :

« [L]e chemin juridique qui conduit à qualifier de bien de retour un bien appartenant à une société du même groupe que le concessionnaire est escarpé, mais […]il existe. » (Nicolas Labrune, concl. sur CE, 17 juill. 2025, nᵒ 503317, Commune de Berck-sur-Mer : à publier au Lebon, cons. 5 à 7, ArianeWeb, p. 12). 

Par suite, le Conseil d’État a appliqué ces règles au cas d’espèce et a jugé qu’« Il ressort des énonciations, non contestées sur ce point, de l’ordonnance attaquée que le bâtiment abritant actuellement le casino est la propriété de la société Groupe Partouche, qui l’a acquis auprès de la commune en vue de l’aménager pour pouvoir exploiter le futur casino et qui le loue à la société Jean Metz, dont elle détient l’intégralité du capital, par l’effet d’un bail commercial dont les stipulations prévoient expressément que l’activité exercée dans le bâtiment est l’exploitation d’un casino et des services associés. Dans ces conditions, en retenant que la circonstance que le bâtiment du casino n’était pas la propriété du concessionnaire ne faisait pas obstacle à ce qu’il fasse retour à la commune au terme de la convention, le juge des référés n’a pas méconnu les principes énoncés aux points précédents. » (CE, 17 juill. 2025, nᵒ 503317, Commune de Berck-sur-Mer : à publier au Lebon, cons. 10).